Rencontre
avec Sarah Toumi
art-thérapeute
utilisant l’Art Polarisant dans ses dispositifs créatifs
En mai dernier, je rencontrais Sarah lors de mes ateliers d’initiation à l’Art Polarisant. Cette rencontre a donné lieu à des échanges fort intéressants et riches car, jusqu’alors, ce qu’on appelle « art-thérapie » me semblait être une sorte de gloubi-boulga d’activités de loisirs créatifs cachées par une étiquette pseudo-médicale : bref, pour moi une supercherie super tendance en ce moment. Mais les discussions avec Sarah m’ont convaincue de l’efficacité de cette discipline, si toutefois, certaines règles étaient respectées. J’ai été d’autant plus emballée par sa démarche qu’elle a trouvé à l’Art Polarisant des qualités parfaitement adaptées à sa pratique.
Les Ateliers Lumière
« – Comment se déroulent tes séances d’art thérapie? avec quels publics et quels objectifs?
Sarah
– J’interviens auprès de structures du champ sanitaire et social et j’accompagne toute personne en fragilité, que ce soit dans un contexte de difficultés transitoires ou de problématiques chroniques.
Ma démarche en séance ne se présente pas comme un exercice avec des consignes et ne requiert aucune compétence technique. Il s’agit plutôt d’une invitation à la créativité, non pas sur le mode de la production artistique, mais sur un processus d’expérimentation du potentiel créatif propre à chacun. Autrement dit, ce qui est valorisé c’est la possibilité de bricoler, tester, inventer… pour contacter sa sensibilité singulière, explorer des solutions, apprendre à faire avec ses limites, s’ouvrir à l’inattendu… et élargir le champ des possibles. Pour permettre ce cheminement, il est important de ne pas figer le processus dans un objectif de résultat. C’est pourquoi, j’élabore des dispositifs créatifs qui facilitent l’expérience éphémère à partir d’éléments malléables et mouvants qui oscillent entre palpable et impalpable, visible et invisible : comme le sable, l’ombre, la lumière, l’eau…
Les Ateliers Lumière
– En quoi l’Art Polarisant est un médium intéressant pour toi?
Sarah
– C’est un médium très intéressant à plusieurs égards. D’abord, parce qu’il n’est pas reconnu parmi les médiums classiques comme, par exemple, la peinture ou l’argile, ce qui favorise la découverte et limite les blocages du style : « je ne sais pas dessiner ! ».
De plus, le fait que les jeux de formes et de couleurs n’apparaissent qu’à condition de les regarder par le prisme du film polarisant (sous la forme de lunettes par exemple) permet à la personne qui bricole de façonner sa création en toute intimité, à l’abri du regard de l’autre (y compris celui de l’art-thérapeute !) pour qui tout paraît transparent. Ne pas être en prise au regard extérieur (qui peut être perçu comme jugeant, intrusif, voire persécuteur) garantit que ce qui se joue en séance puisse être mis en lumière tout en préservant l’intimité de la personne. C’est une donnée fondamentale dans un processus thérapeutique.
Par ailleurs, la possibilité d’utiliser du film plastique (matière glissante et non collante comme le scotch) rend la création malléable et mouvante, favorisant les effets de surprise et l' »éphémérité » du résultat. L’intérêt de ne pas figer un résultat en séance permet que le processus créatif se maintienne en mouvement et se prolonge psychiquement dans l’après-coup.
Les Ateliers Lumière
– Le participant ne désire jamais garder une trace de ce qu’il a fait, même s’il est content de ce qu’il a produit ?
Sarah
– Cela dépend de la posture de l’art-thérapeute et du cadre qu’il pose. S’il est au clair avec l’intérêt que recouvre l’expérience éphémère, il saura le transmettre à la personne qu’il accueille, de sorte qu’elle ne ressente pas la nécessité de s’attacher à un objet fini.
Mais en fait, il reste tout de même une trace, une trace psychique, un souvenir sensoriel de l’expérience vécue. Cette trace intime et en mouvement participe de la vitalité psychique.
Les Ateliers Lumière
– On trouve beaucoup d’art thérapeutes qui sont dans la verbalisation de ce qu’on produit pour faire ressortir du sens, voire des traumatismes, des craintes, des peurs à combattre. Toi, ce n’est pas ta démarche.
Sarah
– Non, en effet. S’il est possible que le bricolage art-thérapeutique fasse émerger du sens et mette en lumière certaines souffrances, mon rôle est d’accompagner la personne dans cette expérience, de la soutenir pour qu’elle l’appréhende en toute sécurité, mais en aucun cas de juger, conseiller ou poser un diagnostic. Car la compétence de l’art-thérapeute n’est pas celle du psychologue, encore moins du médecin, ni même de l’éducateur. Et il y a souvent confusion !
Si une personne ressent le besoin de mettre en parole ce qui se joue pour elle, cette parole est accueillie au même titre qu’un acte créatif et non comme un outil d’interprétation. En revanche, nous pouvons orienter la personne vers un professionnel compétent (médecin, psychologue, ou autre) en fonction de sa demande.
Les Ateliers Lumière
– Mais alors comment distinguer cette séance d’un temps de loisir ou de distraction?
Sarah
Ce qui fait la différence, c’est le cadre. Tout ce que j’ai expliqué précédemment en fait partie. En art-thérapie, il ne s’agit pas de « faire faire », d’éduquer, rééduquer, ou encore d’occuper le temps. Le cheminement art-thérapeutique passe aussi par des temps de panne d’inspiration, de frustration, de refus de faire… Ces moments font partie du processus créatif et, à ce titre, ils sont aussi accueillis en séance. Autant dire que ce n’est pas toujours une partie de plaisir ! La question est : comment la personne va se débrouiller avec tout ça ? quelles solutions va-t-elle pouvoir inventer ? L’accompagnement art-thérapeutique prend son sens à partir de là : quand il permet à la personne de retrouver sa propre capacité à dénouer ce qui fait blocage.
Ça me fait penser au témoignage d’une personne qui disait être déçue de ne plus pouvoir participer aux ateliers de coloriage à la maison de retraite car ses mains s’étaient mises à trembler. L’art-thérapie peut, ici, offrir un espace où explorer une autre façon de créer en « faisant avec » ces mains tremblantes.
En résumé, on pourrait dire qu’en art-thérapie on n’est pas dans le « faire faire » mais dans le « faire avec ».
Les Ateliers Lumière
– Quels sont les retours que tu as obtenus sur l’utilisation de l’Art Polarisant dans tes séances?
Sarah
– Difficile de te répondre précisément car, comme je l’ai déjà dit, je ne cherche pas vraiment à faire parler. C’est un peu une façon de laisser à l’expression créative la possibilité d’être une alternative à la verbalisation.
Et puis, il est difficile d’évaluer l’impact de l’utilisation d’un dispositif. De manière générale, un même dispositif peut inspirer une personne un jour et, la fois suivante, pour des raisons x ou y, elle ne s’en saisira pas avec la même motivation. C’est avant tout la qualité relationnelle qui fait la valeur de l’accompagnement art-thérapeutique.
Ce que je peux dire, c’est que le dispositif d’art polarisant éveille la curiosité et que, souvent, les personnes s’y absorbent avec concentration, laissant l’impression que leur imaginaire est bien mobilisé. »
Si vous souhaitez recevoir des échantillons ou des kits d’art polarisant, rendez-vous sur la boutique des Ateliers Lumière.
Si vous êtes intéressé par le travail de Sarah Toumi, vous pouvez la contacter aux coordonnées suivantes :
sarahtoumi@lilo.org
06 12 19 77 65
Crédit photo : Claire de la Fabulerie
Les Ateliers Lumière
Très intéressant, je suis art-thèrapeute est travaille dans le même sens sur un processus d’expérimentation du potentiel creatif. J’utilise le sable, le mouvement, la terre et la peinture sur plexus. Mon cadre est basé sur un bricolage éphémère. Je suis donc très intéressée par ce nouveau medium. Tenez moi au courant des prochains stages, si je peux j’aimerai bien l’expérimenter.
Au plaisir,bien cordialement.
Muriel
Avec plaisir ! Rendez-vous sur la rubrique agenda pour connaître les prochaines dates d’atelier. Si vous le souhaitez, je peux vous envoyer des échantillons. Pour cela, écrivez-moi sur lesatelierlumiere@gmail.com